L'ère numérique a donné naissance à des géants technologiques qui détiennent un pouvoir sans précédent sur nos vies quotidiennes. Derrière l'apparente gratuité des services offerts par les GAFAM (Google, Apple, Facebook/Meta, Amazon et Microsoft) se cachent des histoires troublantes de violations de la vie privée, de manipulation et d'abus de pouvoir. Ce rapport examine des cas réels où l'exploitation des données personnelles a conduit à des situations véritablement alarmantes.
Le Scandale Facebook-Cambridge Analytica : Manipulation Électorale à Grande Échelle
L'un des exemples les plus marquants d'abus de données personnelles reste le scandale Facebook-Cambridge Analytica qui a éclaté en 2018. Cette affaire révèle comment les données de 87 millions d'utilisateurs Facebook ont été récoltées à leur insu et utilisées pour influencer les intentions de vote lors de différentes élections, notamment aux États-Unis et lors du référendum sur le Brexit6.
Au début de 2014, sous couvert d'une "étude scientifique", une start-up créée par un chercheur de Cambridge nommé Aleksandr Kogan a obtenu une autorisation spéciale de Facebook pour collecter des données. En seulement quelques mois, elle a illégalement "siphonné" entre 50 et 60 millions de comptes Facebook6. Ces informations ont ensuite été utilisées par Cambridge Analytica pour développer une plateforme logicielle appelée "Ripon", permettant de cibler précisément les électeurs indécis.
Christopher Wylie, lanceur d'alerte dans cette affaire, a affirmé que "sans Cambridge Analytica, le camp du 'Leave' n'aurait pas pu gagner le référendum" sur le Brexit, qui s'est joué à moins de 2% des voix6. Cette intrusion massive dans la vie privée des utilisateurs de Facebook a non seulement influencé des processus démocratiques, mais a également démontré la vulnérabilité de nos données personnelles face aux grandes entreprises technologiques.
L'Échec des Protections Réglementaires et l'Impunité des GAFAM
Une histoire particulièrement inquiétante est celle racontée par La Quadrature du Net, association de défense des droits et libertés sur Internet. Le 28 mai 2018, au nom de 12 000 personnes, l'association a déposé cinq plaintes auprès de la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) contre les GAFAM pour non-respect du RGPD, qui venait d'entrer en vigueur 3 4 8.
Trois ans plus tard, aucune de ces plaintes n'avait abouti, ce que l'association qualifie de "total échec" résultant "d'une multitude d'irrégularités qui, toutes ou presque, révèlent le rôle coupable de la CNIL pour protéger les GAFAM contre le droit"3. Cette situation démontre comment les géants technologiques parviennent à échapper aux contraintes légales, même lorsque celles-ci sont spécifiquement conçues pour protéger les citoyens4.
Les plaintes se concentraient sur un argument juridique simple : le défaut de validité du consentement que les GAFAM arrachent par la ruse ou la contrainte. Elles ne nécessitaient que quelques jours pour être traitées, mais aucune n'a abouti après trois années3. Cette impunité met en lumière la difficulté pour les citoyens d'obtenir justice face aux géants du numérique.
La Surveillance Généralisée et ses Conséquences
Les GAFAM ont développé un modèle économique basé sur la surveillance de masse. Comme le souligne Amnesty International dans un rapport de 2019, "la collecte disproportionnée de données personnelles est incompatible avec le droit à la vie privée"5. La perte de ce droit fondamental porte atteinte à d'autres libertés essentielles : liberté d'expression, d'opinion, de pensée et le droit à la non-discrimination5.
Ces géants du web collectent nos données numériques personnelles qui peuvent "être utilisées à des fins de publicité ciblée, d'espionnage, vendues et analysées, souvent par les GAFAM eux-mêmes"1. L'affaire Snowden a par ailleurs démontré que "les GAFAM sont parfois contraints de communiquer des données très privées (des échanges de mails sur Gmail, des photos échangées sur Facebook, des conversations Skype) à des services gouvernementaux"1.
La Souveraineté Numérique Menacée et les Données Transfrontalières
Une préoccupation majeure concerne le transfert des données personnelles au-delà des frontières nationales. Au Québec, par exemple, la Loi 25 tente de répondre à cette problématique en exigeant que toute organisation québécoise sache précisément "où vont ses données, qui y accède et à quelles fins"7.
Ces plateformes opèrent selon des règles qui ne sont pas toujours compatibles avec les principes locaux de protection des renseignements personnels. Les données – celles des clients, des employés, des opérations – "traversent les frontières sans qu'on en ait toujours conscience. Et une fois hébergées à l'extérieur du Québec, notre contrôle réel sur ces données diminue drastiquement"7.
Cette situation est particulièrement préoccupante car elle conduit à une perte de souveraineté numérique. En s'appuyant massivement sur les GAFAM, nos entreprises locales pourraient bien, malgré elles, "saboter leur propre souveraineté numérique"7.
Les GAFAM et la Menace pour la Démocratie
L'influence des GAFAM va bien au-delà de la simple collecte de données. Ces entreprises ont acquis un pouvoir tel qu'elles représentent une menace pour les institutions démocratiques. Barack Obama lui-même a accusé les grandes plateformes d'avoir largement amplifié "les pires instincts de l'humanité", appelant à les réguler14.
L'ancien président américain a souligné que "l'une des causes majeures de l'affaiblissement des démocraties tient au profond changement dans nos façons de communiquer et de nous informer"14. Ce pouvoir d'influence est d'autant plus inquiétant que les GAFAM visent une intégration verticale sur le marché internet, partant de leurs cœurs de marché en lui ajoutant les contenus, les applications, les médias sociaux, les moteurs de recherche et les infrastructures de télécommunications5.
Le Risque des Fausses Accusations à l'Ère des Données Massives
Bien que les résultats de recherche ne présentent pas directement de cas de fausses accusations criminelles liées aux GAFAM, le risque est bien réel. Dans un monde où les algorithmes déterminent ce qui est "probable" plutôt que "possible" 5, les erreurs peuvent avoir des conséquences dramatiques.
Les algorithmes conçus par les GAFAM peuvent induire involontairement une influence sur diverses sphères, y compris le monde juridique et judiciaire5. Dans ce contexte, une personne pourrait facilement se retrouver victime de fausses accusations basées sur des corrélations algorithmiques erronées ou biaisées, sans avoir les moyens de se défendre efficacement.
Conclusion : Une Lucidité Collective Nécessaire
Face à ces histoires d'horreur réelles impliquant les GAFAM, une prise de conscience collective s'impose. Comme le souligne Alain Saulnier dans son essai, ces géants numériques représentent "une menace transversale et face à laquelle nous nous trouvons en situation de dépendance" – une dépendance qui n'a fait que s'accentuer avec la pandémie de COVID-1918.
Il est essentiel que nos gouvernements actualisent les conditions réglementaires dans lesquelles nous permettons à ces entreprises d'évoluer. Cela implique de reconnaître les GAFAM pour ce qu'ils sont réellement : des entités dont le pouvoir dépasse parfois celui des États, et qui nécessitent un encadrement strict pour protéger les droits et libertés des citoyens18.
La question qui se pose aujourd'hui n'est plus simplement celle de la protection des données, mais celle de la préservation de notre souveraineté numérique et, par extension, de notre souveraineté démocratique. L'enjeu est de taille, et il nécessite une mobilisation sans précédent de la part des citoyens, des organisations et des États.
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