TL;DR:
- Une nouvelle panne informatique majeure a paralysé les services de la SAAQ du 6 au 8 mai 2025, affectant la plateforme SAAQclic et forçant la fermeture temporaire des centres de service 2 3
- Le gouvernement du Québec a pointé directement Microsoft du doigt, tandis que des responsables internes ont admis que la SAAQ demeurait responsable des opérations d'entretien du système 5 6
- Cette panne s'ajoute aux problèmes chroniques de SAAQclic, dont les dépassements de coûts atteignent déjà 500 millions de dollars depuis son lancement chaotique en 2023 1 4
- La Commission Gallant, mise sur pied pour enquêter sur les ratés du projet, poursuit actuellement ses travaux 1 2
- L'incident met en lumière les dangers de l'enfermement propriétaire (vendor lock-in) dans les projets numériques gouvernementaux et soulève des questions sur la gouvernance technologique du secteur public
La saga SAAQclic s'enrichit d'un nouvel épisode chaotique
Le 6 mai 2025, une panne informatique majeure a frappé les serveurs de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), paralysant l'accès à la plateforme SAAQclic et forçant la fermeture de l'ensemble des points de service à travers la province3. Cette défaillance, attribuée à "un problème dans le parc de serveurs essentiels de l'organisation", a contraint l'annulation d'environ 40 000 rendez-vous et a considérablement perturbé les services aux citoyens pendant deux jours complets25. Bien que la reprise progressive des services ait débuté dans la soirée du 8 mai, cet incident s'inscrit dans une longue série de problèmes techniques qui minent la crédibilité de la transformation numérique entreprise par l'organisme5.
Ce nouvel épisode survient dans un contexte déjà tendu pour la SAAQ, alors que la Commission Gallant poursuit son enquête sur les ratés de l'implantation de SAAQclic en 2023, un projet dont le coût total a atteint 1,1 milliard de dollars, soit un dépassement de 500 millions par rapport aux prévisions initiales14. Le vérificateur général du Québec avait d'ailleurs souligné que cette transformation numérique infructueuse avait conduit à de longues files d'attente devant de nombreuses succursales, créant un chaos administratif sans précédent1.
Quand le gouvernement et Microsoft se renvoient la balle
L'aspect le plus troublant de cette nouvelle crise réside dans le jeu de rejet de responsabilité qui s'est rapidement installé entre les différents acteurs. Dès le lendemain de la panne, le ministre de la Cybersécurité et des Affaires numériques, Gilles Bélanger, s'est empressé de dédouaner le gouvernement: "C'est totalement inacceptable, mais ce n'est pas SAAQclic, c'est Microsoft"36. Cette déclaration catégorique visait manifestement à dissocier cette panne des problèmes structurels connus de la plateforme SAAQclic.
Pourtant, le récit s'est rapidement complexifié lorsque Sylvain Goulet, sous-ministre adjoint aux infrastructures technologiques, a apporté d'importantes précisions: "C'est un nuage privé, installé sur site" et surtout "ce n'est pas Microsoft qui a fait quelque chose, c'est nous qui avons fait quelque chose"5. Ces propos contredisent directement la version du ministre et soulèvent d'importantes questions sur la gouvernance technologique au sein de l'appareil gouvernemental. Face à cette contradiction évidente, le ministre Bélanger a tenté de nuancer sa position: "Microsoft demande à la SAAQ de faire telle modification, puis il y a un problème, la responsabilité est à qui? Je pense qu'on ne devrait pas se faire l'arbitre"5.
L'enfermement propriétaire: le piège invisible des transformations numériques
Cette nouvelle crise met en lumière un problème fondamental dans la stratégie numérique du gouvernement québécois: l'enfermement propriétaire (vendor lock-in). Ce phénomène décrit la situation dans laquelle une organisation devient excessivement dépendante d'un fournisseur technologique unique, au point de ne plus pouvoir changer de solution sans subir des coûts ou des perturbations majeures.
Dans le cas de la SAAQ, la dépendance aux solutions Microsoft semble avoir créé une zone grise en matière de responsabilité opérationnelle. D'un côté, l'infrastructure appartient formellement à la SAAQ, mais de l'autre, sa gestion semble indissociable des recommandations et du support technique du fournisseur5. Cette situation crée un environnement propice aux rejets mutuels de responsabilité lorsque surviennent des incidents critiques.
L'enfermement propriétaire comporte également d'autres risques majeurs pour les organisations publiques: coûts de maintenance élevés et imprévisibles, impossibilité d'adapter les solutions aux besoins spécifiques sans l'intervention du fournisseur, et vulnérabilité face aux changements de politique commerciale du fournisseur. Pour un service essentiel comme la SAAQ, cette dépendance représente un risque systémique pour l'ensemble des services aux citoyens.
Vers une souveraineté numérique responsable
Pour éviter de telles situations à l'avenir, plusieurs alternatives et bonnes pratiques s'offrent aux organisations gouvernementales. La première consiste à privilégier, lorsque possible, des solutions basées sur des logiciels libres et des standards ouverts, permettant une plus grande indépendance vis-à-vis des fournisseurs uniques. Cette approche, adoptée avec succès par plusieurs administrations européennes, favorise le développement de compétences internes et réduit les risques d'enfermement technologique.
La seconde approche implique l'adoption d'une stratégie multi-fournisseurs, permettant de répartir les risques et d'éviter une dépendance excessive. Enfin, les contrats avec les fournisseurs technologiques devraient systématiquement inclure des clauses claires concernant les responsabilités en cas de défaillance technique et des garanties de service adaptées à la criticité des systèmes déployés.
Le mot de Blue Fox
Face à ces défis complexes, les organisations publiques gagneraient à s'entourer d'experts indépendants capables d'évaluer objectivement les risques liés à l'enfermement propriétaire. Chez Blue Fox, nous accompagnons les organismes gouvernementaux dans l'élaboration de stratégies numériques résilientes, axées sur l'autonomie technologique et la maîtrise des risques. La souveraineté numérique n'est pas un luxe mais une nécessité dans un monde où les services essentiels dépendent de plus en plus d'infrastructures technologiques complexes.
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Sources:
CTV News - Gallant commission opens on SAAQclic fiasco
Vingt55 - SAAQclic de nouveau paralysés par une panne informatique majeure
Montreal CityNews - Computer outage affecting SAAQclic website, online services
Radio-Canada - Panne majeure à la SAAQ
Radio-Canada - Le service reprend progressivement à la SAAQ
Economic Times - Microsoft blamed as Quebec's SAAQ service centres shut down